Netflix est le plus grand service de location de DVD par internet. Ce sont eux qui ont inventé ce modèle dont Glowria s'est inspiré en France. Netflix a 3 millions d'abonnés aux USA après 5 ans d'activité, 500 millions de dollars de chiffres d'affaires en 2004, ont une croissance qui se maintient à 70% par an. Un parcours et des résultats plutôt impressionants.
Prenons à présent Walmart, les hypermarchés qu'on ne connaît ici que de nom. Walmart est la première société au monde en terme de chiffres d'affaires (260 milliards de dollars environ en 2004), devant Exxon, General Motors, etc. et plus de 5000 magasins (depuis les hypermarchés jusqu'aux mini-marchés) sur 10 pays. C'est aussi le premier employeur au monde, avec ... 1,5 millions d'employés.
En 2002, soit deux ans après les débuts de Netflix, Walmart a lancé à son tour un service de location de DVD en ligne, avec des prix plus agressifs que le premier. Beaucoup s'accordaient à dire que les jours de Netflix étaient comptés avec un tel concurrent. Pire, en début de cette année, Walmart a encore plus cassé les prix, semant un vent de panique entre tous les analystes financiers : voilà, disaient-ils, la guerre des prix qui portera le coup fatal à Netflix.
Et enfin, coup de théâtre : il y a quelques semaines, Walmart a annoncé qu'ils jetaient l'éponge et cédaient l'activité de location en ligne à Netflix. Bilan de l'activité de Walmart dans la location en ligne après 3 années de combat ? 100.000 abonnés, à comparer aux 3 millions de Netflix.
Que s'est-il passé ? Comment interpréter ce revirement, alors que j'entends depuis toujours que n'importe quel grand groupe pourrait écraser Netflix ou glowria du jour au lendemain ? Il y a plusieurs explications d'un phénomène qui prend sa source dans une série d'erreurs de jugement où il est facile de tomber pour de grands groupes :
- "la logistique est notre fort". Vrai pour vendre des frigos ou des yaourts. Vrai aussi pour vendre des DVD. Mais louer des DVD est une toute autre histoire. Ce ne sont pas les mêmes produits, il s'agit d'un travail minutieux avec des objets fragiles (déconditionnés de leurs boîtiers), où 100% des produits envoyés sont retournés pour être réexpédiés le même jour, le canal d'acheminement est la lettre et non le colis. Tout ceci est suffisant pour requérir un tout autre type d'entrepôt, de personnel, d'équipement, de conditionnement, de processus, de systèmes d'information, et d'interfaces avec la poste. Bref, une toute autre activité. Non pas que Walmart ne soit pas capable de la créer, mais la capitalisation sur l'existant est nulle et l'avantage concurrentiel disparaît, voir s'inverse.
- "on connaît nos clients, on en traite 130 millions par semaine". Un client de supermarché achète des produits dans un espace physique, la location de DVD en ligne est un service de divertissement par internet. Les comportements et les attentes du client sont très différentes. Une culture d'entreprise bâtie sur 40 ans de gestion de magasins ne peut pas se réinventer en un an ou deux pour embrasser en même temps l'internet, le cinéma et la livraison par la poste.
- "on a une puissance marketing colossale". Inutile de dire que le marketing pour vendre des sodas a peu de choses en commun avec celui requis pour éduquer un marché à un service en ligne comme la location de DVD par abonnement. Commodités versus services innovants en rupture.
- legitimité. On sur-estime souvent la légitimité d'une enseigne à proposer de produits ou services très différents de son coeur de métier. Personne n'ira se faire couper les cheveux à sa station essence sous prétexte qu'il y passe toutes les semaines et qu'il est "fidèle à la marque".
- le principe de la goutte d'eau. Si une nouvelle activité, aussi prometteuse soit-elle, génère moins du 1% du chiffre d'affaires du groupe, il y a peu de chances qu'on y consacre l'attention et l'énergie nécessaires à tous les niveaux du groupe, à moins qu'elle soit hautement stratégique, ce qui est difficilement le cas ici.
- "on a les moyens de tout faire". C'est la recette idéale pour un plantage assuré et des milliards envolés. L'époque des "Kombinats" soviétiques est révolue, et le Vivendi de Messier en a été la dernière tentative (espérons-le).
Dans le cas de Netflix comme dans celui de glowria, le focus, l'énergie et les ressources sont intégralement dédiées à une seule chose : la location de DVD en ligne. Du PDG jusqu'au manutentionnaire, tous avancent avec la même vision, et la passion et l'enthousiasme de ceux qui sentent qu'ils changent (un peu) le monde. Cette activité est pour nous notre raison de vivre, notre survie en dépend, on ne paye pas pour voir mais pour gagner, et la réussite n'est pas une option ! Ce n'est pas la 25ème ligne d'un tableau de gestion qui circule dans une grande tour. Quoi donc de plus normal que nous connaissions ce métier mieux que quiconque et que nous soyons incomparablement meilleurs que ceux qui le font en dilettante ?
Depuis que j'ai lancé glowria, la menace d'un grand groupe qui se lancerait sur notre marché est un sujet récurrent. Il est vrai que certains groupes, notamment de télévision, y ont plus que pensé. Un, en particulier, a investi plusieurs centaines de milliers d'euros en ... consultants de toute sorte pour finalement abandonner leur idée (et dire qu'avec cet argent on a démarré notre activité !). En revache, beaucoup de grandes marques, telles que France Loisirs chez nous, ou Tesco en Grande Bretagne, ont fait le choix intelligent de lancer un service co-brandé ou en marque blanche adossés à des sociétés comme Glowria, ou VideoIsland en GB. Un choix intelligent.
La location de DVD en ligne est une activité de pure players. L'histoire commence à le montrer. Même Amazon, qui a lancé un service de location de DVD en GB en imaginant nous concurrencer tous, semble avoir abandonné son idée de le faire eux-mêmes sur les autres territoires en Europe continentale ou aux Etats-Unis, préférant s'adosser à un pure player : aucune synergie, hormis le trafic sur leur site web, donc aucun sens de le faire en propre. Seul Blockbuster, aux US, s'est vu contraint de se lancer sur ce marché. Mais dans son cas, il s'agit de se défendre face à un Netflix qui mord de plus en plus dans sa base de clients. C'est donc là pour eux une question de vie ou de mort, mais c'est la seule exception... avant la VOD et les chaines TV dont nous parlerons sans doute dans un prochain épisode...
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